Les Livres Vagabonds

Quatre tours représentant des livres ouverts, un quadragénaire divorcé et son adolescent éco anxieux, une prise de guerre nazie restituée à la France, un futur retraité érotomane et son assistante durassienne, une pétition, un chien incommodé par ses intestins et une chatte psychotique. Des livres, des téléphones qui disparaissent…

Et la Seine qui n’en finit pas de monter.

Les livres vagabonds, c'est un hommage aux livres et aux bibliothèques, au goût de la lecture et à l'imaginaire qu'elle ouvre aux lecteurs. Maxence travaille à la Bibliothèque nationale de France à Paris (…).
Un roman à l'humour sombre qui pointe nos contradictions sociétales, sous la plume acerbe de Raphaël Somal.

(Ed. du citron bleu, 2024)

A Un Cheveu Près

Résumé : Le personnage central, c’est Léandre Tussot, héros déplumé par une alopécie soudaine qui, à l’instar de Samson, perd sa vitalité en même temps que ses cheveux. Mais la vraie victime, c’est Jade Mourad, gagnante controversée d’une émission de télé-réalité consacrée à la coiffure. Et puis, il y a Charlie Ackerman, commissaire atypique qui a un intérêt personnel à résoudre l’affaire. Entre Paris et Besançon, Léandre croisera la route de personnages truculents et intrigants. Un roman ironique pour une enquête à peine tirée par les cheveux…

(Ed. du citron bleu, 2024)

Critique : Charlie Ackermann ne passe rien aux hommes. Le lieutenant Agostini en fait chaque jour les frais, lui dont le goût pour les blagues salaces et les plaisanteries sexistes n’a d’égale que sa virile pilosité. D’ailleurs, la commissaire préfère les femmes et partage la vie de Lorraine, élégante galeriste parisienne. La nièce de celle-ci est retrouvée assassinée et scalpée. L’enquête commence et se nourrit d’incursions dans le monde de la télé-réalité, de la coiffure, de l’art et de la psychanalyse. Le mythe de Samson, figure de la virilité et de l’échec, est le fil rouge du roman. Raphael Somal, avec l’humour grinçant qui caractérisait déjà Le crépuscule des cadres, passe au peigne fin notre société post-Me Too, accompagné par le rythme jazzy des années 50, contrepoint nostalgique porté par la voix de Sinatra. Un très bon polar.

Noémie Keunebroek, libraire

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Le crépuscule des cadres

Résumé : Une DRH au bord du burn out emmène ses cadres de direction à un séminaire à la campagne : la plupart se détestent, les autres s’ignorent. Isolés du reste du monde, ils vont multiplier les activités afin de resserrer les liens de leur équipe. Jusqu’à ce que l’impensable se produise. Placés devant une situation extrême, nos protagonistes vont tous prendre une décision qui scellera leur destin.

(Publishroom, 2019)

Critique : Le premier roman de Raphaël Somal est une mise en boîte à la fois acide, cruelle et loufoque du monde entrepreneurial, ses rites, ses jeux d’influence, ses stratégies de réussites individuelles grimées en esprit d’équipe. A la jonction de l’excellent En guerre de François Bégaudeau, d’un hilarant sketch des Infidèles avec Jean Dujardin et du méconnu Massacre, l’implacable texte d’Anne Hansen, le propos de l’auteur parvient à creuser son sillon, en s’appuyant sur une structure cohérente et une véritable inflexion du propos, à mi-chemin, vers le thriller horrifique. La narration privilégie d’abord des portraits isolés, comme si la dissémination de ce puzzle en une quantité de pièces, permettait de situer chaque protagoniste au-delà de son archétype professionnel. Certes, il s’agit bien d’examiner les places assignées au sein d’une structure coercitive, dont la logique dicte jusqu’au lexique de chacun, mais le récit parvient à individualiser les parcours, pour donner une consistance humaine à ces vies de labeur.
Les employés de la très moderne Business Solutions cherchent des valorisations professionnelles à la mesure de leur désarroi affectif que profilent des trajectoires parfois chaotiques, dont certaines sont à la croisée de phénomènes plus psycho-sociologiques (le célibat mal vécu pour Julie Delpierre, par exemple). Tout ce petit monde convergera vers un domaine que surplombe une imposante bâtisse, tenu par un ex-acteur du cinéma porno -ça ne s’invente pas-, dans le cadre d’un séminaire à la campagne : ils sont tous là, de la DRH stressée au directeur de la recherche et du développement, en passant par le cadre de direction ou la consultante experte en team building. Un peu comme si, après avoir décomposé les ingrédients d’un cocktail, l’auteur s’amusait à les agréger dans son shaker, pour en offrir un délicieux mélange, où la langue s’en donne à cœur joie, singeant le langage entrepreneurial, multipliant les situations les plus grotesques, n’épargnant personne, même si le texte laisse aussi la place à des moments plus introspectifs, lorsque, déliés des postures auxquelles leur fonction respective les astreint, quelques participants se racontent et tentent de nouer d’autres relations. Ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde, car l’ambition ne part jamais vraiment en week-end, certains affinant leurs meilleures sourires pour comploter auprès du manager. Et puis, soudain, le récit bascule vers le thriller apocalyptique. Les effusions de façade, l’obsession du bien-être en entreprise, les tests de personnalité débiles sont anéantis par une situation devenue littéralement entropique, dans une configuration qui se souvient des films de George Romero et dont on laisse la découverte au lecteur.
A la fois drôle et surprenant, Le crépuscule des cadres est une implacable charge contre l’idéologie néo-libérale et ses effets dévastateurs.

Jérémy GALLET, A voir à lire

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